Le vernis a pour fonction de saturer les couleurs, ajuster les brillances, estomper les aspérités et protéger la peinture. Il n’est pas considéré comme un élément clef du tableau. On pose donc un vernis sur un tableau comme on huile un parquet. Il n’empêche qu’alléger un vernis est une des étapes irréversibles de la restauration. L’étude de la stratigraphie permet d’en comprendre les enjeux. Traditionnellement, le peintre applique sur un support préparé une couche de fond. Il travaillera les éléments constituant l’image en pâte (la peinture fraichement sortie du tube). Enfin, pour apporter plus de relief, de détails, ou des effets de matière par exemple, il appliquera des glacis. La quantité de pigments est infime par rapport au liant. Cette couche de glacis, bien que teintée, est donc facile à confondre avec le vernis.
Pour le cas étudié ci-dessous, la couche de vernis épaisse et oxydée modifiait la lisibilité de l’image. La demande du propriétaire était de retrouver la luminosité. Chaque résine et chaque tableau sont différents. Les produits et concentrations utilisés vont donc varier d’un tableau à l’autre. C’est pourquoi, le protocole a été établi après une série de tests.
Identification - constat d'état
Sujet : Paysage animé de cavaliers et chevaux.
Technique : Huile sur toile tendue sur châssis dans un encadrement en bois et stuc doré.
Epoque : XVIIIème siècle.
Dimensions : 24,4 x 34 cm
Le tableau présente une couche épaisse de vernis oxydé non-homogène qui modifie la lisibilité. Le voile brun/jaune éclaircit les teintes sombres, fonce les teintes claires, masquant ainsi les nuances. Parce qu’elles se sont assombries avec le temps, d’anciennes retouches sous-jacentes sont visibles.
Diagnostic - Protocole
Diagnostic :
Le jaunissement d’une résine est un phénomène naturel. Son exposition à la lumière (soleil, lune) accentue son oxydation.
Protocole :
Il est primordial de débuter par un décrassage de la surface. Sinon, cela revient à prendre le risque de mêler crasse et matière lors de l’allégement. Dans ce cas précis, l’eau tiède suffira à ôter la crasse.
Suite à ces étapes, étant donné la présence de retouches, l’allègement de vernis risque d’en ôter une partie. Cela est dû au procédé de mise en œuvre de ces dernières. Une nouvelle campagne de retouche est donc envisagée.
Tests
La fluorescence verte sous lumière ultraviolette indique qu’il s’agit d’une résine naturelle. Une hypothèse confirmée par les tests de solvants. Ceux-ci s’effectuent d’abord purs pour constater leur efficacité individuel, avant de réfléchir au meilleur mélange. Il faudra ensuite établir la concentration optimal de chacun dans le mélange pour réguler l’évaporation et le pouvoir de solvabilité.
Afin de sonder la réactivité de la matière, les tests se font sur diverses tonalités : les claires, comme le ciel, mais aussi les sombres. Il peut arriver que certaines zones soient plus sensibles que d’autre à l’apport de solvant. L’un des indicateurs est l’apparition de couleur comme du rouge ou du bleu sur le coton.
Voici les résultats des tests :
Solvant n°1
Aucun résultat
Solvant n°2
Bon résultat : solubilise rapidement la résine, permet un travail contrôlé et ainsi une maîtrise de la quantité de vernis enlevée
Solvant n°3
Très efficace : l’action est trop rapide maîtriser la quantité de vernis allégé.
Risque de création de blanchiments.
Solvant n°4
Action trop lente. Il faut insister sur une zone pour enlever la résine.
Conclusion
Le solvant n°2 obtient les meilleurs résultats. Cependant, sa trop grande efficacité et sa volatilité ne permettront pas un travail homogène. Il sera donc mélangé avec le solvant n°4 à l’action plus lente. L’étape suivante consiste à déterminer le pourcentage de chaque solvant pour alléger la résine dans des conditions optimales, soit un mélange à 50:50.
La solvabilité de la résine et sa fluorescence verte semblent indiquer, après analyses, qu’il s’agit d’une résine naturelle type mastic.